IV Les secteurs APEF sous l’angle du genre

4.1. La féminisation du marché du travail : segmentation et paroi de verre

Contribution du non-marchand à l’augmentation du taux d’emploi des femmes

Ces 30 dernières années, on a assisté à une progression très importante (près de 75%) du nombre de femmes occupées. « Le nombre d’hommes ayant un emploi a progressé beaucoup moins vite (+ 8%). En 2013, les femmes représentent 46% des personnes occupées alors que leur part était de 34% en 1983. Le travail se féminise donc clairement » (Statistics Belgium, 2013). Considérons que, en regard de l’augmentation très rapide de l’emploi des secteurs non-marchand et, plus spécifiquement, des secteurs APEF, ceux-ci ont contribué à la féminisation du travail étant donné la proportion importante de femmes dans ces secteurs. On parle à ce sujet de « parois de verre » (Goffinet, 2008) ou de « segmentation horizontale » (Cornet, 2008), pour parler de la répartition très segmentée des hommes et des femmes dans le marché du travail. Cette segmentation est aussi perceptible au sein du secteur non marchand entre d’un côté, des secteurs davantage investis par les femmes, tels que ceux de la santé et de l’action sociale et, de l’autre, des secteurs où l’on trouve beaucoup plus d’hommes, tel que la branche « culture, sport et loisirs » (Unipso, 2009 : 27).

Genre et rémunération dans les secteurs APEF

On ne peut pas vraiment parler d’inégalités salariales au sein des secteurs étudiés. En revanche, on peut faire l’hypothèse que les inégalités qui persistent à l’échelle de l’emploi salarié en général influencent le temps de prestation. Cela se manifeste particulièrement lorsqu’un couple doit choisir celui qui diminuera son temps de travail ou même qui quittera son emploi pour prendre en charge les responsabilités familiales et domestiques autour de 35-45 ans. En effet, statistiquement, « tous secteurs confondus, les femmes gagnent en moyenne 10% de moins par heure que les hommes. Cette différence s’élève à 22% lorsqu’elle est calculée sur une base annuelle » (Institut pour l’égalité des femmes et des hommes, 2014 : 6). Un calcul simple mène souvent ces couples à conclure que la réduction ou la suppression du salaire le plus faible est économiquement le choix le plus rationnel. Ce qui explique sans doute en partie que, à l’échelle du secteur, on observe, chez les femmes, une courbe de la pyramide des âges en forme de « M » avec, en creux les 35-44 ans. Si les deux travaillent dans le même secteur, la même logique agira en faveur de l’emploi masculin, celui-ci étant globalement plus rémunérateur. Ceci se traduit dans les statistiques par le fait que, chez les hommes, la proportion ne cesse de croître jusqu’à 50 ans.

Le temps partiel : un « choix » plus fréquent chez les femmes?

Cette courbe de la pyramide des âges en forme de « M » s’exprime également chez les femmes travaillant à temps plein alors que celle des hommes traduit une proportion de plus en plus importante au fil des ans jusqu’à 50 ans. L’hypothèse faite est de nouveau en lien avec un choix « rationnel » au sein du couple : la femme ayant diminué son temps de travail, l’homme va augmenter le sien si celui-ci n’était pas encore à temps plein pour équilibrer le budget familial. Notons que cette courbe en forme de « M » est beaucoup plus marquée chez les femmes si on considère le taux d’emploi général en fonction de l’âge. Le fait que ce soit le plus souvent les femmes qui opèrent ce « choix » résulte en partie de la persistance d’une « vision traditionnelle de la répartition sexuée des rôles sociaux » (FTU, 2014 : 2).

Un « marché du travail à temps partiel destiné aux femmes » ?

Selon une étude de la FTU, « parmi les emplois occupés à temps partiel parce qu’ils ne sont offerts qu’à temps partiel, 83% sont des emplois féminins. Ceci confirme l’existence d’un "marché du travail à temps partiel", essentiellement destiné aux femmes » (FTU, 2014 : 3). Les secteurs qui nous intéressent, par exemple MAE ou AF, correspondent à ce marché du travail à temps partiel destiné aux femmes. Ces métiers, au cœur des secteurs, apparaissent devoir être effectués à temps partiel par des femmes.  Des réalités propres au secteur peuvent expliquer cette réalité.  Il peut s’agir de contraintes de gestion qui poussent les employeurs à proposer beaucoup de contrats à temps partiel. Remarquons aussi que certaines mesures d’aménagement de fin de carrière (crédit-temps, plan Tandem, etc. ) font que le remplacement des travailleuses s’effectue souvent à temps partiel.

Des facteurs externes jouent également.  Les responsabilités familiales restent majoritairement assumées par des femmes. Dans un secteur fortement féminisé, cela permet de comprendre une plus forte présence du régime à temps partiel que dans le reste de l’emploi en Belgique.