4. Mise en perspective
Le salaire est un point central du débat social et de l’analyse du secteur non marchand et plus spécifiquement des secteurs APEF. La croissance constante des niveaux de rémunération (toutefois ininterrompue depuis 2013 en raison du saut d'index survenu en 2014) traduit à la fois la dynamique importante de salarisation et de professionnalisation des activités dans ces secteurs, dynamique déployée depuis plusieurs décennies (Bingen & Martinez, 2012) et la reconnaissance, de plus en plus affirmée, de la contribution d’un secteur qui, malgré sa finalité non lucrative, doit être suffisamment soutenu pour les missions importantes qu’il assume.
Toutefois, il semble subsister des difficultés relatives à cette dimension.
Un nombre important de travailleur·se·s pauvres?
Si un salaire médian plus bas que la moyenne est une caractéristique peu surprenante pour un secteur à but non lucratif, il pose toutefois la question de la qualité des emplois dans le secteur (Actiris, 2014). Cumulé à un temps de travail fréquemment partiel (cf. chapitre temps de travail), également caractéristique du secteur, n’avons-nous pas un risque plus important de travailleur·se·s en situation de précarité? Il semblerait que le secteur non marchand soit particulièrement touché par le paradoxe des travailleur·se·s pauvres (Burnay, 2002). Une étude commandée par la FGTB démontre qu’à peu près un quart des travailleur·se·s du non-marchand serait dans cette situation (Guide Social, 2008). On peut s'interroger également sur l'impact du saut d'index qui, à tout le moins, est susceptible de réduire le pouvoir d'achat.
Une étude réalisée par Marthe Nyssens et Olivier Brolis autour du métier d'aide ménagère (sur la période 2010 – 2015) indique que la rémunération moyenne de ces travailleuses – 1070 euros brut par mois – est inférieure au seuil de pauvreté. L’étude mentionne comme cause de cette situation un salaire horaire trop peu élevé et un fort taux de travail à temps partiel
La reconnaissance du niveau de diplôme
L’augmentation constante du niveau de salaire médian dans les secteurs APEF peut être comprise en partie par l’augmentation progressive du niveau de qualification des travailleur·se·s qui les constituent. On peut toutefois se demander si, dans un contexte de pénurie d’offres d’emplois dans certains domaines, les niveaux de qualification sont toujours pris en compte dans le calcul du salaire. Notamment quand on connait les situations financières des structures qui ne permettent pas toujours d’octroyer une rémunération à la hauteur des qualifications (Actiris, 2014).
La rémunération comme symbole de la reconnaissance du secteur?
Au-delà de la question de la satisfaction des travailleur·se·s vis-à-vis de leur qualité d’emploi, le salaire est également un révélateur de la manière dont les secteurs en question et les missions qui y sont assumées sont reconnues (Actiris, 2014).
Le caractère non lucratif du secteur, la dimension vocationnelle de l’engagement des travailleur·se·s associée à l’image du dévouement désintéressé et d’une part de travail bénévole qui « va de soi » (Hély, 2008: 138) a longtemps contribué à négliger les conditions de revenus et de travail du personnel de ces secteurs (Bingen & Martinez, 2012). Pourtant, comme le défend Isabelle Van der Brempt, Présidente de l’UNIPSO en 2008, « prôner une rémunération correcte des travailleurs et leur offrir des conditions de travail stimulantes n’est pas faire offense aux principes associatifs ou caritatifs » (Unipso, 2009: 10).
L’action syndicale a contribué à la reconnaissance du secteur en œuvrant « à l’établissement de structures sociales nécessaires à la reconnaissance des nombreux métiers qui revêtent une importance croissante dans l’économie, répondant à des besoins sociaux grandissant mais qui subissent de plein fouet les restrictions budgétaires et dont les conditions de travail sont peu formalisées » (Bingen & Martinez, 2012: 3). Entre autres choses, les accords du non-marchand conclus depuis 2000 ont contribué à la reconnaissance et l’uniformisation du statut social des travailleur·se·s (Bingen & Martinez, 2012).